Point sur les mesures anti-gaspi d’hier et de demain

Rédigé par Laurine le 29/07/2020

Point sur les mesures anti-gaspi d'hier et de demain

Les mesures anti-gaspi mises en place aujourd’hui sont le résultat d’un long changement de perception quant au gaspillage dans notre pays. Il y a presque 50 ans, la publication du Rapport Meadows (1972) puis du Rapport Brundtland (1987) éveillent les consciences au plus haut niveau de l’Etat. Mais ce n’est que petit à petit, avec l‘ancrage des valeurs écologistes dans la population que l’Etat prend des mesures concrètes. Les institutions doivent s’adapter pour travailler sur ces nouvelles problématiques. Le ministère de l’Environnement est créé en janvier 1971, son influence, tout comme celle des mouvements écologistes, ne cesse de grandir depuis. Zoom et point sur les mesures anti-gaspi de ces 5 dernières années et celles auxquelles s’attendre dans les années à venir. 

Retour sur 5 années de mesures anti-gaspi

1. Accord et Lois en 2015-2016, un tournant dans les mesures anti-gaspi ?

L’année 2015 marque un réel changement. On se souvient bien sûr de la 21e Conférence Internationale sur le Climat (COP21) qui a mené à la signature de l’Accord de Paris. Cet accord, premier consensus universel sur le climat et le réchauffement climatique, est un tournant dans la gestion climatique internationale. 

Mais 2015 a aussi été marqué par l’adoption de la “Loi de Transition Énergétique” proposée en 2014 par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal. Avec cette loi, la France se fixe de nouveaux objectifs. Entres autres, la réduction de ses émissions de 75% et de sa consommation énergétique de 50% d’ici 2050, par rapport au niveau de 1990. Cette Stratégie Nationale Bas Carbone est une mesure anti-gaspillage forte qui vise à orienter tous les secteurs d’activité vers une économie responsable en réduisant le gaspillage énergétique. 

De nouvelles campagnes de sensibilisation apparaissent. On se rappelle peut être en 2015 de “Ca suffit le gachis” de l’Ademe. En 2016 c’est la campagne “Les contes antigaspi” du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation qui est renouvelée. Cette initiative présente avec les contes de notre enfance des slogans anti-gaspi dans les cantines. On trouve par exemple “Maître corbeau ne laissera plus tomber son fromage” ou “Blanche neige aurait dû croquer une pomme moche”. Des slogans ludiques que l’on retrouve dans les écoles jusqu’en 2020, signe du succès de cette campagne. 

Enfin, ces deux années pivot sont complétées par l’adoption en février 2016 de la “Loi contre le gaspillage alimentaire” ou “Loi Garot”. La loi oblige par exemple les supermarchés de plus de 400m² à signer une convention de don avec une ou plusieurs associations pour redistribuer leurs invendus, sous peine d’encourir une amende de 75 000€. En complément du dépôt de la loi présentées par les députés Graziella Melchior et Guillaume Garot, un Rapport d’information est publié. Il révèle les chiffres aberrants du gaspillage alimentaire en France et prévoit de diviser ces chiffres par 2 d’ici 2025. Un pari ambitieux qui clôture en beauté ces deux années riches en mesures anti-gaspillage. 

2. Tour d’horizon de 2017-2018, Nicolas Hulot et ordonnance Egalim

La nomination en mai 2017 du défenseur de l’environnement Nicolas Hulot à la tête du Ministère de l’Écologie est une nouvelle mesure forte. Ce visage à la tête d’une institution aussi importante est porteur d’un grand espoir pour lutter activement contre le gaspillage. Cependant, un peu plus d’un an après sa nomination, Nicolas Hulot mets un terme à son mandat. Au cours de ce dernier, peu de mesures anti-gaspi ont été adoptés.

En juillet 2017 son ministère présente le “plan climat”, un projet de loi pour, entre autres, engager la France vers la neutralité carbone à horizon 2050. Le plan est principalement tourné vers la réduction du gaspillage énergétique. Enfin, la “Loi de finances” de 2018 augmente la fiscalité sur le carbone, la prime à la conversion ou encore le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). 

Ce n’est qu’en octobre 2018 que la France propose une mesure plus concrète pour l’anti-gaspi : la loi EGalim “pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable”. C’est un complément de la “Loi Garot” de 2016 : l’obligation de proposer les invendus au don alimentaire est étendu à la restauration collective privée et à l’industrie agroalimentaire. Elle oblige aussi ces derniers à rendre possible d’emporter les aliments ou boissons non consommés sur place. 

Deux années avec des mesures prometteuses pour lutter contre le gaspillage mais certes moins marquantes pour l’opinion public. En effet, comparé aux décisions et accords de 2015-2016 l’impact de ces nouvelles mesures est moins concret et s’inscrit sur le temps long.

3. Convention citoyenne, 2019-2020 : un nouveau visage !

Les deux dernières années de ce petit retour en arrière sont plus encourageantes que 2017-2018 pour l’avenir de la lutte contre le gaspillage. En effet, on voit se dessiner une nouvelle stratégie gouvernementale. Les citoyens et la responsabilité de chacun sont remis au centre de la cause environnementale et les mesures anti-gaspi rappellent le rôle de tous dans cette bataille. 

En octobre 2019 est constitué un groupe de 150 citoyens tirés au sort pour former la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Leur mission : formuler des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Sur les 149 propositions formulées dans le rapport final de la CCC, le Président Emmanuel Macron a annoncé le 29 juin 2020 sa décision d’en retenir 146. Il soumettra ces propositions au Gouvernement, au Parlement ou directement au peuple français.

On retrouve dans les propositions de la CCC de nombreuses mesures pour lutter contre le gaspillage telles que: la régulation de la publicité pour limiter les incitations quotidiennes et non choisies à la consommation entraînant du gaspillage alimentaire ou énergétique (la vente par lot, réduction de prix, soldes). La limitation du suremballage ou la favorisation des emballages biosourcés compostables, l’obligation progressive de proposer du vrac pour les magasins, un système de consigne de verre généralisé en 2025… etc. Enfin, les citoyens ont proposé de nombreuses mesures pour limiter le gaspillage énergétique induit par les logements, les transports et les modes de production peu respectueux de l’environnement. 

La Convention citoyenne pour le climat présage donc un pas en avant à souligner pour la lutte contre le gaspillage. Le nombre de mesures est considérable et si elles sont toutes ou majoritairement admises on pourra se réjouir de cette initiative. 

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est aussi un excellent exemple pour illustrer cette responsabilisation de tous les acteurs. Elle propose une redéfinition du périmètre du principe pollueur-payeur et assigne aux entreprises une “responsabilité élargie”. L’objectif est de favoriser l’éco-conception, la réparation et l’incorporation de matière première recyclée pour “faire passer notre pays d’une économie linéaire à une économie circulaire”. D’autres mesures sont destinées à lutter contre le gaspillage comme la fin de l’impression systématique des tickets de caisse ou la délivrance de certains médicaments à l’unité. Enfin, la loi interdit l’élimination des invendus des produits non alimentaires qui sont encore utilisables et la sortie totale du plastique jetable d’ici 2040.

Quelles prévisions et mesures anti-gaspi pour le futur ?

1. Vague de nouveaux maires écolos et engagements anti-gaspi.

Le deuxième tour des élections municipales, initialement prévu fin mars et reporté le 28 juin 2020, a réservé son lot de surprises. Europe écologie ; Les Verts remporte sept villes de plus de 100.000 habitants : Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Besançon, Tours, Annecy et Grenoble (Marseille est aussi passé du côté des verts mais avec la liste indépendante de Michèle Rubirola). Précisons que Lille comme Metz sont aussi passées très proche d’une victoire des écolos. Mais quelles sont les mesures anti-gaspi concrètes prévues par ces nouveaux maires soucieux de l’environnement ?

A Lyon, objectif zéro-déchet et zéro-gaspillage dans un programme ambitieux. Pour y parvenir, des  défis Familles Zéro Déchet, une réorganisation de la chaîne de distribution des cantines lyonnaise avec du bio, du local et de la qualité ou encore les dons des invendus de marchés à des associations et la valorisation des biodéchets. A Bordeaux, l’objectif est 100% de valorisation des biodéchets d’ici 2030. Le programme du nouveaux maire bordelais mentionne aussi la mise en place de frigos en libre accès pour distribuer les repas non consommés des restaurants, commerces et particuliers. 

On pourrait encore citer de très nombreuses mesures anti-gaspi annoncées dans les programmes de ces villes désormais dirigées par des écolos. Si les promesses sont encore à concrétiser, ce nouveau visage politique semble annoncer de belles évolutions dans la lutte contre le gaspillage. 

Enfin, si certains maires ne font pas parti de la “famille écolo”, ils sont 41 à avoir signé la Charte #MaVilleAntiGaspi de Too Good to Go. Parmi les signataires, les maires de Paris, Nice ou encore Bourges. Leurs engagements : rendre obligatoire la mesure du gaspillage alimentaire dans les cantines pour tendre au plus vite vers le zéro-gaspillage ou encore allouer un budget spécial pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

2. Les axes anti-gaspi du nouveau gouvernement.

Les élections municipales fin juin 2020 ont été suivies de très près par l’annonce du nouveau premier ministre Jean Castex et de son nouveau gouvernement le 6 juillet 2020. Parmi les personnalités nommées, Barbara Pompili ministre de la Transition Écologique retient évidemment notre attention pour analyser les mesures anti-gaspi à prévoir dans les prochains mois.

Député de la Somme, elle co-préside un temps le groupe écologiste à l’Assemblée avant d’être nommée secrétaire d’État chargée de la Biodiversité de février 2016 à mai 2017. À cette fonction, elle fait adopter la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages qui renforce le cadre légal français de protection de l’environnement. A nouveau député mais au sein du groupe LREM, elle préside la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire une commission de l’Assemblée nationale. C’est sous sa présidence qu’est proposée la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire évoquée précédemment.

Son implication dans la lutte contre le gaspillage alimentaire en tant que Ministre de la Transition Écologique est bien sur difficile à analyser à peine 1 mois après sa prise de poste. Mais Barbara Pompili à d’ores et déjà fait savoir au micro de France Inter fin juillet 2020 son souhait de suivre les recommandations de la Convention Citoyenne sur le Climat. Elle souhaite inciter les ménages à rénover leurs logements décrits comme des “passoires thermiques” avec des aides financières pour lutter contre le gaspillage énergétique. Elle a également annoncé avoir obtenu comme budget pour son ministère de la Transition Écologique une enveloppe de 30 milliards d’euros du Plan de relance. 

Il faut donc encore patienter un peu pour voir les actions concrètes mises en place par la nouvelle ministre. On peut cependant espérer que son bagage écolo et ses récentes déclarations sont le préambule de nombreuses mesures anti-gaspi. 

3. L’Union Européenne et mesures anti-gaspi.

En Europe ce sont chaque année 20% de l’ensemble des denrées alimentaires produites qui sont gaspillées soit environ 88 millions de tonnes de nourriture (Commission Européenne, 2016). Un constat choquant et une tendance que les 27 Etats de l’UE semblent activement vouloir inverser. 

Si l’objectif est de voir quelles avancées et mesures anti-gaspi on peut espérer au niveau européen pour le futur, un petit retour en arrière s’impose. Selon une étude de la Commission Européenne de décembre 2019, entre 1990 et 2018, les émissions de gaz à effet de serre dans l’UE ont diminué de 23 %. Un résultat très encourageant pour l’environnement qui motive dès septembre 2011 l’UE à se fixer comme objectif de réduire de 50% le gaspillage alimentaire d’ici 2020. Si aucun rapport n’est à ce jour sorti, difficile de croire que cet objectif est atteint. En effet, déjà en 2017, la Cour des comptes européenne publiait un rapport mettant en lumière une volonté politique mais des mesures insuffisantes pour atteindre d’ici 3 ans les objectifs visés.

On voit donc que si l’Europe met en place des mesures anti-gaspi, respecter ses engagements est encore difficile. En novembre 2019, le Parlement déclare l’urgence climatique. Il demande aussi à la Commission européenne de veiller à ce que toutes ses propositions soient alignées sur l’objectif de 1,5°C en termes de réchauffement climatique et participent à la baisse des émissions carbones. C’est suite à cette demande que la Commission dévoile en Janvier 2020 son plan d’investissement pour une Europe durable aussi appelé Pacte vert. Il s’agit d’une feuille de route pour une Europe climatiquement neutre d’ici 2050. Le plan est pensé pour attirer au cours des dix prochaines années au moins 1 000 milliards d’euros d’investissements privés et publics. Si on ne peut pas à ce jour savoir si l’UE va atteindre ses objectifs on peut juger la motivation de ses membres. 

Il apparaît que dans chaque Etat membre des mesures anti-gaspi sont prises. Nous avons détaillé le cas de la France mais en Italie aussi des lois sont passées (Interreg) et des programmes ont été mis en place en Allemagne (BEL ou bien BMEL). 

Enfin, l’Europe a depuis 10 ans pris d’autres mesures anti-gaspi, telles que des actions de prévention au gaspillage alimentaire. Le CESE (Conseil Économique et Environnemental) encourage, entre autres, les États membres à “soutenir l’éducation alimentaire dans les programmes scolaires” et à mieux informer les consommateurs sur la signification des dates de péremptions. Des mesures moins difficiles à mettre en place dans les États et qui semblent porter leurs fruits.

Pour conclure, des mesures anti-gaspi fleurissent depuis plusieurs années. Si on voit qu’au niveau européen des engagements ambitieux sont pris mais difficilement respectables, c’est peut être plus localement que le changement va se créer, au niveau des maires et des citoyens. 

De nombreuses décisions et rendez-vous sont attendus pour les années à venir : mise en place des premières mesures anti-gaspi des maires récemment élus, publication de la feuille de route de Barbara Pompili pour son mandat ou encore la 26e conférence annuelle de l’ONU sur le climat. Sans parler de la COP26 qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. Nous avons hâtes de voir quels en seront les résultats !

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Accord, loi, projet et programme : découvrez les mesures anti-gaspi passées et futures qui font avancer la lutte contre le gaspillage.
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